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174430 août 2008 — Pourquoi la Russie a-t-elle reconnu l’Abkhazie et l’Ossétie du Sud? La décision a surpris considérablement les autres acteurs de la crise et n’a pas eu encore d’explication complète et satisfaisante, tant s'en faut. Les hypothèses s’échangent donc avec vivacité. Ce ne sont pas elles précisément qui nous intéressent, mais le prolongement de la réflexion qui les accompagneraient éventuellement.
Dans ce cas, nous demandons à nos lecteurs de placer cette réflexion intuitive, ou “post-intuitive” dans la logique, ou dans le prolongement de notre texte du 26 août. Ce texte mentionnait la reconnaissance de l’Abkhazie et de l’Ossétie du Sud, mais sans la distinguer outre-mesure, au milieu d’autres événements. (Nous avons rajouté in extremis dans notre texte la décision de Medvedev alors qu’il n’était fait mention, au début de sa rédaction, que du vote du Parlement. C’est dire que nous n’étions pas ému précisément par cette décision. Il faut le temps de l'appréciation pour réaliser quelle réflexion elle alimente.) Ce texte présentait plus une appréciation intuitive qu’une analyse rationnelle classique, et si celui qui lui succède, que nous écrivons actuellement, se prétend éventuellement plus analytique, il reste marqué par l’intuition; pour sacrifier à la tendance dialectique postmoderne, nous l'avons affublé du qualificatif de “post-intuitif”…
Hier, un lecteur nous signalait un texte de Fedor Loukianov, rédacteur en chef de la revue Rossiïa v globalnoï politike, qui donnait une analyse aux très larges perspectives de la reconnaissances des sécessionnistes de Géorgie. Nous y ajoutons un autre texte, sur le même sujet, de Nebojsa Malic, sur Antiwar.com, le 28 août, sur le même sujet, également avec une large perspective dépassant la seule décision de reconnaissance pour poser une interrogation plus large. Dans ces deux cas, le thème concernerait plutôt, comme celui de notre texte initial d’une façon affirmée, l'idée que nous ne sommes pas dans une “crisis as usual”, comme nous en avons l’habitude ces dernières années, mais dans une crise beaucoup plus large, dans une crise fondamentale.
Nous écrivions pour notre compte:
«L’addition de ces divers éléments, à la lumière de l’hypothèse suggérée (“l’hypothèse que les Russes sont arrivés à une appréciation de la crise plus fondamentale, plus radicale, et nécessitant plus qu’une tactique habile”), conduit à envisager que la Russie pourrait être, ou serait en train d’entrer dans une phase complètement nouvelle, qui concerne certes les intérêts russes et l’affirmation de la puissance russe, mais plus, beaucoup plus encore, – qui concerne la situation internationale dans son ensemble et le cas extraordinaire de déstabilisation et de déstructuration que constituent les USA et leur politique, – selon le jugement russe mais aussi selon le jugement dans divers autres pays et dans diverses catégories d’analystes. (…)
»…Les Russes ont-ils conclu que le système international ne peut plus continuer d’une façon cohérente avec les USA dans leur position d’influence actuelle et ont-ils commencé à agir pour tenter de briser sa structuration actuelle dans le chef du système américaniste? L’hypothèse est à retenir pour suivre la crise telle qu’elle va se développer.»
• Dans le premier des deux textes cités, il y a l’intervention de Fedor Loukianov. Certes, il y a d’abord la réaction de l’analyste pris en flagrant d’erreur, qui tend à expliquer son erreur par une circonstance extraordinaire. (Le Guardian, que nous citons dans notre texte du 26 août expliquait, commentant la situation entre le vote du Parlement russe et la décision de Medvedev: «One analyst said it was unlikely that the Kremlin would unilaterally recognise South Ossetian and Abkhazian independence. “This would be more troublesome and problematic for Russia,” said Fyodor Lukyanov, the editor-in-chief of the journal Russia in Global Affairs. […] “My guess is that this vote is a means to achieve better conditions for international negotiations,” he added.»)
Loukianov explique ainsi sa thèse, selon l’interprétation de Novosti, – une thèse qu’on pourrait définir selon les analogies fameuses d’un César franchissant le Rubicon ou d’un Cortez faisant brûler ses vaisseaux…:
«Il ne s'agit déjà plus de la Géorgie et de son leader. Les enjeux ont considérablement augmenté. Il semble que Moscou ait décidé de jouer son va-tout et d'assumer le rôle de fossoyeur du système des relations internationales, étrange et dénaturé à bien des égards, qui s'est instauré dans le monde à la fin de la deuxième décennie après l'achèvement de la guerre froide.
»Les dirigeants russes, de même que la majorité écrasante de la société, sont sincèrement surpris par l'ampleur et l'unanimité du soutien apporté en Occident à Mikhaïl Saakachvili. Moscou ne comprend pas comment l'Europe et les Etats-Unis ont pu se ranger unanimement au côté de cet homme coupable de crimes de guerre qui a bafoué tous les principes que le "monde civilisé" ne cesse de répéter. Le fossé entre les perceptions n'a probablement jamais été aussi grave. Dans la position de l'Occident, la Russie ne voit même plus seulement des doubles standards, mais un cynisme non dissimulé dépassant le cadre de la pratique politique normale.
»Cette atmosphère émotionnelle, associée au sentiment qu'il est inutile de discuter avec les capitales occidentales, ont certainement rendu la position de Moscou plus radicale…»
Pour Loukianov, la Russie a pris un risque radical, – si l’on veut, elle joue le tout pour le tout: «La Russie a brusquement changé de cours, en renonçant à toute tentative de recevoir une légitimation extérieure de ses actions et, en fait, en renonçant à agir dans le cadre du droit. Elle ne mise que sur ses propres forces (il n'y a personne sur qui elle puisse compter)…» Bien entendu, il va de soi, dans cette logique radicale, qu’un échec signifierait une déroute totale.
• Malic s’attache également à la décision de Moscou, qu’il juge inattendue, surprenante, jusqu’à l’appréciation d’une erreur. Cette décision prive Moscou d’une “position morale” (conforme au droit) puisque le même acte qui est reproché à l’Occident (le Kosovo) est posé par Moscou. Malic développe une longue explication qui a à voir avec l’évolution de la Serbie depuis l’indépendance du Kosovo. Moscou ayant déterminé que la nouvelle équipe au pouvoir en Serbie est totalement pro-américaniste… «It is entirely plausible that Medvedev and Putin may have decided that ongoing support for Serbia made no sense if the authorities in Belgrade insisted on becoming American clients. Why should Russia care about Kosovo, if Serbia does not?» Dans ce cas, pourquoi s’attacher à une politique préservant le précédent du Kosovo, pour pouvoir mieux le dénoncer à partir d’une position impeccable vis-à-vis des sécessionnistes de la Géorgie? D’où la décision de reconnaître l’indépendance des sécessionnistes.
Mais l’intérêt du texte de Malic se trouve, à notre sens, beaucoup plus dans les deux courtes parties de conclusion.
»Failure to Communicate
»Furthermore, the pragmatic Russians must have realized that their arguments concerning Kosovo weren't going to change the situation there, mostly because the Empire showed no intention of listening. It “created reality” by force, claimed everything was legal because it said so, and simply brushed Russian objections aside – for what could they do, invade? Moscow's response was to engage in its own reality-shaping by force, in a region where Russia had the guns and NATO was the one with nothing but words.
»If Medvedev and Putin thought this would teach the Empire a lesson, however, they were mistaken; firmly in the grip of solipsistic pseudo-logic, Washington is utterly incapable of seeing itself through the eyes of others. Even the misguided comparison of Ossetia with Kosovo fell on deaf ears, because indignant voices quickly cried out that Kosovo (being an American intervention) was right, while Ossetia (being Russian) was wrong!
»Bizarro World
»It is difficult, perhaps even impossible, to communicate with someone so obsessed with managing the perceptions of reality that they've become incapable of recognizing reality altogether. In the Bizarro World of the Atlantic Empire, the bombing of Serbia was humanitarian, the invasion of Iraq was defensive, the occupation of Afghanistan was democratic, and the separation of Kosovo was legal – while the Russian intervention to neutralize the Georgian army and save the Ossetians from ethnic cleansing was “agression” befitting Hitler or Stalin.
»Medvedev and Putin are not angels – but they never claimed to be. That claim is the sole purview of American Emperors, a sign of madness that Bush/Cheney, Obama/Biden and McCain/Whoever all have in common. To them, it doesn't actually matter what Russia does – whatever anyone but America (and its “allies”) does is by definition evil.
»One wonders if they quite understand this in Moscow. And what will happen once they do.»
Nous commencerons notre commentaire par deux points concernant ces deux textes.
• Loukianov parle d’un grand risque que prend Moscou, avec une situation catastrophique s’il y a échec. Mais la question qui se pose est de savoir si, dans l’hypothèse évoquée, il peut y avoir “échec” au sens classique. De même, Loukianov utilise une référence classique qui n’est peut-être plus de mise dans la situation créée lorsqu’il écrit: «On a l'impression que la décision de reconnaître les républiques caucasiennes a été prise en vue d'exclure tout recul de Moscou et de rendre ainsi la situation concernant l'Abkhazie et l'Ossétie du Sud irréversible. Cela n'est pas un signe de confiance en soi, mais reflète plutôt une disposition à prendre un grand risque.» La référence de “la confiance en soi” peut être aussi bien retournée, et considérée dans le cadre de l’idée d’un acte de rupture avec l’ordre existant, comme une audace nécessaire et nullement un manque de “confiance en soi”. (Nous observions dans notre texte déjà référencé du 26 août «que l’absence de nuance et une certaine brutalité peuvent dans certains cas constituer la poursuite de l’habileté politique par d’autres moyens».) Dans ce cas, la notion de “grand risque” est évidente et n’a aucune signification en soi. Une rupture implique par essence un grand risque, qui n'en est plus un alors selon le sens commun.
• Malic décrit une situation très plausible, où l’absence de communication avec l“Ouest” (les USA principalement) implique le constat de l’impossibilité d’évoluer conjointement dans le même ordre international. La dernière remarque de Malic est peut-être mal à propos et pourrait passer de sa position d’éventuelle conséquence à la position de cause. Dérivant l’espèce de “folie”, disons l’autisme des dirigeants US enfermés dans un virtualisme décrivant un monde où les seuls actes des USA constituent la seule référence possible, et non des règles générales acceptées par tous, Malic écrit : «One wonders if they quite understand this in Moscow. And what will happen once they do.» (“On peut se demander s’ils comprennent exactement, à Moscou [cette situation de l’autisme des dirigeants US]. Et ce qu’il arrivera une fois qu’ils l’auront compris.“) La proposition deviendrait alors que c’est parce qu’ils ont compris, à Moscou, cette situation qu’ils ont agi comme ils l’ont fait (reconnaissance de l’indépendance des sécessionnistes géorgiens). La chose était d’ailleurs proche d’être évidente avec le discours de Poutine à Munich en 2007.
Le nœud de la réflexion se noue autour de l’interprétation de la reconnaissance de l’indépendance des sécessionnistes. S’agit-il d’un acte politique classique, à considérer d’un point de vue régional, dans le cadre de l’hostilité à la Géorgie, d’une affirmation de sécurité et de puissance, voire d’une tendance hégémonique régionale? Dans ce cas, effectivement, la démarche russe est peu compréhensible puisqu’elle n’implique aucune rupture fondamentale et place la Russie en contravention avec des règles de droit dont elle réclamait le respect pour le Kosovo, tout cela pour un avantage des plus restreints et contestables. Ou bien, s’agit-il de l’acte de rupture dont il est question, c’est-à-dire un acte mettant en cause toute une structure et le droit qui la soutient? Dans ce cas, bien entendu, l’acte doit être considéré de façon complètement différente. Il ne prendra toute sa signification qu’en fonction de ce qui suivra; à lui seul, il ne suffit pas pour affirmer cette rupture et il devrait être suivi d’autres actes allant dans le même sens de la rupture.
Le texte de Malic, surtout, met en évidence l’aspect principal de l’hypothèse, de ce que serait une politique de rupture de la Russie. Il ne s’agit pas seulement de chercher une autre formule pour les relations internationales mais d’abord d’observer qu’il n’est plus possible d’avoir des relations normales avec le pouvoir US, – plus encore, ou pire, avec la psychologie américanistes, – et c’est bien cela que Malic implique: «…the Empire showed no intention of listening. It “created reality” by force, claimed everything was legal because it said so. […] It is difficult, perhaps even impossible, to communicate with someone so obsessed with managing the perceptions of reality that they've become incapable of recognizing reality altogether.»
Ces observations rejoignent l’idée que nous poursuivons depuis longtemps, que la bataille n’est pas idéologique, encore moins politique, mais bien psychologique, et que nous sommes dans l’“ère psychopolitique”. Tout le reste en dépend, y compris la géopolitique, parce que tout est fondé sur la différence irréconciliable de perception qui fait interpréter le même acte d’une façon absolument irréconciliable, qui fait prendre des décisions sortant d’une référence rationnelle commune. Ainsi, si Saakachvili a attaqué avec le soutien, voire l’aide directe des USA (ce qui est la thèse de Poutine mais aussi des services de renseignement français), les dirigeants US n’en considèrent pas moins que “tout se passe” comme si Saakachvili avait agi principalement, voire exclusivement, selon la justesse de sa cause et selon son bon droit, d’une certaine façon selon l’aide de personne sinon cette “justesse de sa cause”. Les seules choses évidemment inacceptables, autant qu’inattendues, sont que l’Ossétie du Sud n’a pas capitulé aussitôt et que les Russes sont intervenus. Dans ce cas, on comprend que Saakachvili, intoxiqué par cet état d’esprit US, ait attaqué malgré la folie de l’entreprise, puisqu’il ne devait pas y avoir de riposte russe. Même si des renseignements (éventuellement US) ont éventuellement dit le contraire, on ne les a pas crus, comme on n’a pas cru le renseignement disant que Saddam n’avait pas d’ADM.
Si les Russes ont compris et admis tout cela, si leur reconnaissance de l’indépendance des sécessionnistes se place dans ce cadre d’analyse, cette mesure est la première avant d’autres du même acabit car la rupture se fera au rythme de l’accumulation de mesures de cet ordre. Il n’est pas question de “confiance en soi” ou de “grand risque”, il est question d’un mouvement qui, s’il est vraiment lancé, emporte et dépasse tout le monde, qui impose et imposera des mesures de rupture. Aucune conciliation, aucune réconciliation n’est possible. Cela ne signifier pas un affrontement de type classique mais des actions évoluant dans des mondes différents, qui ne communiquent pas entre eux, et où la perception et la psychologie sont les principaux enjeux. Est-ce ce qui se passe?
Dans ce cas, l’Europe est dans une position nouvelle. Elle ne peut s’en laver les mains, comme dans le cas irakien, parce que tout se passe chez elle. Or l’Europe est dans une situation ambiguë voire contradictoire, d’ailleurs avec une palette très large de nuances entre les pays. D’une part, elle partage plus ou moins complètement la démarche US pour diverses raisons, – intérêts, couardise, servilité, facilité, et aussi foi dans la même construction de virtualisme moral; elle la partage mais il n’est pas assuré du tout que le même autisme psychologique dont elle est affectée ne rencontre pas de puissants obstacles qui le feront vaciller gravement, sinon pire. En effet, devant une situation qui l’affecte directement elle a des doutes, des craintes, elle retrouve éventuellement un vieux fond d’expérience qui la rend mal à l’aise devant ce qui est perçu par instants comme une “folie US”. Cette ambivalence conduit dans les cas extrêmes à une schizophrénie qui n’est guère supportable longtemps. La remarque est d’autant plus acceptable que, insistons sur ce fait central, la crise en Europe et la pression sur l’Europe vont être désormais constantes. De ce point de vue, nous en sommes revenus à la tension extrême de la crise des “euromissiles”, quoique dans des conditions complètement différentes.
Il est possible, probable même que la Russie n’a pas complètement choisi cette éventuelle politique de rupture qu’on décrit d’une façon hypothétique; il se pourrait qu’elle y soit désormais engagée, même en partie contre son gré, ou en partie sans la réaliser pleinement; mais si cette dynamique de rupture existe effectivement, elle va très vite imprégner la crise, donc la politique russe et aussi les autres acteurs, simplement parce que l’alternative est une capitulation totale que, notamment, les Russes ne peuvent envisager. (Loukianov explique justement que l’opinion publique russe est très engagée dans cette crise et n’accepterait pas une capitulation…«Dans l'atmosphère qui s'est créée autour de cette guerre dans la société, il était difficile de faire des compromis diplomatiques et de les expliquer à la population, même dans les conditions d'un contrôle des médias télévisuels. Bref, la sensation qu'on pourrait de nouveau enlever à la Russie une victoire considérée comme telle à juste titre sur le plan moral, militaire et politique, l'a obligée à virer brusquement de bord.»)
Outre les Russes, les autres acteurs devraient suivre une crise qui deviendrait, si elle ne l’est déjà, une crise de rupture, parce que nous sommes en Europe au cœur du monde et de la crise, et que la crise qui acquiert dans ces conditions une dynamique propre bouleverse directement l’Europe. Le facteur qui compte alors, dans les tensions grandissantes, n’est pas l’économie de la Russie et combien de temps elle pourrait tenir “sans l'Ouest” (selon l'analyse de ceux qui disent que la crise va isoler la Russie) mais plutôt que la Russie a 7 000 têtes nucléaires et qu’on ne peut pas vraiment isoler une puissance destructrice pareille, qu’on ne peut ignorer une crise qui implique une telle puissance.
Les USA maintiennent depuis la fin de la Guerre froide et surtout depuis 9/11 une prépondérance qui est inexplicable sinon par les facteurs psychologiques énoncés, caractérisés par le virtualisme notamment. Du point de vue de la puissance classique, géopolitique, militaire, etc., cette prépondérance n’est plus justifiée et elle devient de plus en plus insupportable. Cette crise devient alors décisive s’il s’avère effectivement que c’est le facteur psychologique qui est en cause, qu’il y a bien une intention ou une dynamique de rupture (et alors, on comprend qu’elle attaque bien la psychologie, non pas le droit fondamentalement comme dans l’affaire de la reconnaissance de l’indépendance des sécessionnistes géorgiens; la question du droit n’est dans ce cas qu’une conséquence de cette distorsion psychologique).
Si l’hypothèse de la rupture est la bonne, cette crise est sur le point d’échapper à ceux qui l’ont déclenchée et à ceux qui y figurent, à tous, y compris les Russes. Un facteur complémentaire, surtout pour la position européenne, est l’absence des USA en termes d’absence de pouvoir. Le seul écho que l’Europe a des USA se résume à des mesures de provocation primaires (navires en Mer Noire, réarmement de la Géorgie) et une propagande grossière et sans nuances qui accentue le malaise psychologique fondamental, entre tentations de suivre cette propagande par habitude de servilité et aussi croyance dans le mythe américaniste, et rappel constant et pressant des réalités. Il n’y a pas impulsion des USA, il y a l’exposé sans nuance d’une mécanique à faire de la propagande et de la provocation. Il est très difficile dans ces conditions de maintenir dans la tension une unité psychologique de l’“Ouest”, ce qui est l’essentiel en l’occurrence.
Nous ne sommes nullement, absolument pas, dans une nouvelle Guerre froide; nous sommes dans une bataille psychologique pour la perception du monde. La Guerre froide était par définition stabilité, long terme, arrangement antagoniste; la crise actuelle est instabilité, court sinon très court terme par sa volatilité, antagonismes variables et impossibles à arranger dans un statut stable. La référence à une “nouvelle Guerre froide”, systématique du côté anglo-saxon, n’est nullement une peur qu’on se fait à soi-même ou une technique de mobilisation mais une tentative désespérée d’esprits archaïques tentant d’agripper un temps dépassé où Ouest et Est s’opposait dans le confort, avec du côté de l’“Ouest”, l’assurance faite à soi-même de représenter le mythique “monde libre”… Une tentative désespérée du rêve anglo-saxon de concilier une pulsion hégémonique irrépressible et une bonne conscience morale qui assure le sommeil paisible.
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